✛Où on va Papa?
Auteur : Jean-Louis Fournier
Jusqu’à ce jour, je n’ai jamais parlé de mes deux garçons. Pourquoi ? J’avais honte ? Peur qu’on me plaigne ?
Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c’était pour échapper à la question terrible : « Qu’est-ce qu’ils font ? »
Aujourd’hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j’ai décidé de leur écrire un livre.Pour qu’on ne les oublie pas, qu’il ne reste pas d’eux seulement une photo sur une carte d’invalidité. Peut-être pour dire mes remords. Je n’ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d’ange, et jene suis pas un ange.Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler d’eux avec le sourire. Ils m’ont fait rire avec leurs bêtises, et pas toujours involontairement.
Grâce à eux, j’ai eu des avantages sur les parents d enfants normaux. Je n’ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n’avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu’ils feraient plus tard, on a su rapidement ce que ce serait : rien.Et surtout, pendant de nombreuses années, j’ai bénéficié d’une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j’ai pu rouler dans des grosses voitures américaines.
Je m’explique. Il s’agit du témoignage d’un papa, qui a trois enfants, dont deux enfants handicapés, deux qui ont de « la paille plein la tête ». A savoir qu’ils ne feront jamais rien comme les autres enfants, qui ne liront jamais ce livre écrit par leur père. Ce papa emploie certains termes pour désigner ses enfants, nous fait part d’idées qui lui ont traversé l’esprit, utilise un langage, des termes crus. Voilà ce qui explique mon « cruel ». Aux premiers abords on se dit « mais put***, c’est un papa qui dit ça ». Mais en y réfléchissant, c’est un livre à lire avec un certain recul. Et là, quand vous aurez ce recul, vous comprendrez le « profond », quand tu change un peu ta vision de la chose, tu t’aperçois qu’il aime ses enfants, plus que tout. C’est un papa qui fait face à l’injustice de la nature, qui se livre dans cet ouvrage, avec auto-dérision et humour noir. Vous le lirez et verrez les premières réactions face au handicap aussi bien de parents que d’autres personnes que l’on peut croiser. Et là on se dit que l’homme est bien bête et inculte face au handicap.
Une écriture simple, sans chichi – et sans tabou, qui ne laisse pas le lecteur indifférent.